Photo Ronan Beauvois |
Ce livre parle d'un curieux métier
que je ne connaissais pas : curateur aux documents privés. Cela déjà m'a laissé
présager d'une bonne surprise... Lors d'une de ses missions, qui finalement
consiste à fouiller dans les papiers des morts, Philippe Zafar découvre une
lettre énigmatique qui semble évoquer un secret de famille troublant. Après
réflexion et hésitation, le narrateur se décide à en parler à la personne qui
lui a confié ce dossier et le voilà engagé pour mener l'enquête. Une enquête qui
va l'emmener bien plus loin qu'il ne l'aurait pensé et voulu et qui va aussi le
confronter à sa propre histoire personnelle… Ne vous attendez pas à un roman
policier, même si on progresse pas à pas, au fil des rencontres et des
questionnements, même s'il y a des rebondissements et des fausses pistes… Il s’agit
plutôt d’une fine analyse sur les liens qui nous unissent à la famille et à
notre passé. C'est un livre qui prend son temps et qui nous plonge dans une
ville imaginaire, capitale d'une île tropicale : un voyage qui nous fait vivre
aussi une partie de l'Histoire des colonies. Un bel exercice.
PURGATOIRE DES INNOCENTS / KARINE GIEBEL
Photo Ronan Beauvois |
Ames
sensibles, s’abstenir ! Je préfère vous prévenir... Car, même moi qui suis
«rodée » aux romans noirs, sombres et violents, j’avoue que j’ai été bien
secouée par celui-ci. Le retournement de situation est très bien vu et les
scènes sont parfois limite insoutenables… On peut aussi voir ce livre comme un
roman de Sade (ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’il soit cité dans le livre) ou
un film de Haneke. Vous voyez un peu le style… C’est très réussi car sans
concession, très bien maîtrisé et captivant (au sens fort du terme !). Car
oui, on reste attachés aux personnages, on se débat avec eux, on hésite à juger
l’un ou l’autre : qui est encore innocent ? Y a-t-il des crimes pires
que d’autres ? D’où naît la violence ?… Très bien écrit, ce livre ne
nous donne pas toutes les réponses mais un soupçon d’espoir.
LES APPARENCES / GILLIAN FLYNN
Photo Ronan Beauvois |
Gillian Flynn
signe ici la mort du couple. Rien de moins ! Car même s'il s'agit d'un
thriller, elle s'amuse avant tout à décortiquer toutes les relations qui
unissent deux personnes et tous les stades d'une liaison amoureuse. On ne cesse
de prendre parti pour l'un ou pour l'autre, de mettre en doute la parole ou
plutôt l'écrit de l'un et de l'autre. La confusion des sentiments. Un joli jeu
de chat et de souris qui commence assez classiquement avec une disparition. On
parle de folie mais au fond c'est de la vie qu'il s'agit. Gillian Flynn voit
juste et net ! Pas de flou. L'amour est mort, vive l'amour... et la littérature
! L’adaptation ciné de David Fincher est très réussie : elle met vraiment
en exergue le poids des médias dans ce type d’affaires, ce que l’on ressentait
moins, je trouve, dans le livre. Le casting est aussi parfait.
LE CHUCHOTEUR / DONATO CARRISI
Photo Ronan Beauvois |
Le
Chuchoteur
est un très bon polar. Sombre à souhait et très bien documenté, il ne
vous lâche
pas et vous ne le lâcherez pas non plus car il ne cesse de vous
surprendre...
C'est une somme de tous les ingrédients et de tous les archétypes qu’on
peut
trouver dans un polar digne de ce nom : tueur d'enfants, orphelinat
sordide, prêtre
perverti, mère castratrice, secret de famille inavouable, médium... On
pourrait
croire que toute cette accumulation puisse lasser mais finalement non,
car même si le
trait est fort, on se laisse séduire par le personnage principal. On
peut aussi lire ce livre comme un hommage à tous les grands romans noirs
qui ont aidé
à faire reconnaître et apprécier le genre. A suivre, donc...
UNE VIE ENTRE DEUX OCEANS / M.L STEDMAN
Photo Ronan Beauvois |
C’est un
très beau livre, romanesque et romantique à souhait ! Je comprends son
succès car j’ai moi-même été très touchée et très émue par cette belle histoire
d’amour. L’amour d’une mère, certes mais aussi l’amour d’un homme pour sa femme.
La description de ce monde loin de tout (hors du monde), solitaire et rude, m’a
beaucoup plu : ce phare est presque un personnage à part entière. Ce monde
entre deux océans est aussi très symbolique : le monde d’avant la guerre
et celui d’après, le monde que les personnages se construisent et le monde qui
les entoure... tout est symbolique, rien n’est anodin et surtout pas les choix
qui sont faits. Car tout va partir d’un choix et tout se terminera par un
choix. Le livre aurait pu aussi s’appeler « le choix d’Isabel ». Un
livre beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît… A vos mouchoirs !
ESPRIT
D’HIVER / LAURA KASISCHKE
Photo Ronan Beauvois |
Laura
Kasischke ne voit pas les mêmes choses que nous… ou en tout cas, elle ne les voit pas de la
même façon. Vous me direz, c’est normal, c’est une écrivaine : elle a sa
propre vision du monde. Oui, mais Laura Kasischke s’attarde (et s’acharne)
surtout sur les petites choses du quotidien. Les plus anodines deviennent
tout-à-coup bizarres, l’environnement se détériore, la réalité se distord comme
si le monde ne se voyait qu’à travers un miroir déformant. Tout ce qui devrait
être rassurant devient étrange, tout ce qu’on croyait connaître devient fuyant.
L’esprit de Noël (et sa magie !) en prend pour son grade, tout comme
l’Amérique et la famille. Le conte se transforme en huis clos oppressant,
jusqu’au dénouement final… surprenant et troublant.
Photo Ronan Beauvois |
Ce livre
coup de poing m'a plu et en même temps m'a dérangée. Il se lit très vite, un
peu comme un shocker (ces polars choc qui se dévorent) et je pense qu'il a été
conçu dans cette optique : foncer, secouer, choquer. Le trait est fort et dur
car Edouard Louis règle ses comptes avec sa famille, son village natal et son
milieu social. Peu importe que son histoire soit vraie (coup marketing ?) ou
romancée... Ce qui compte, c'est le livre. Alors pourquoi ai-je été gênée ?
Parce que les scènes sont violentes et crues ? Non, car c’est, selon moi,
ce qui fait sa force. Parce qu’encore une fois le Nord est décrit comme un fief
d’ouvriers alcoolo ? Non, on en a vu d’autres ! Ce qui m'a gênée, en fait,
ce sont les derniers chapitres : c’est cette idée que l'homosexualité (ou
même seulement la différence) soit rejetée par les plus pauvres et comprise (ou
au moins admise) par les plus riches. Edouard Louis choisit son camp… je vous
laisse deviner lequel.
LE DIABLE TOUT LE TEMPS / DONALD RAY POLLOCK
Photo Ronan Beauvois |
Oui, le titre est très explicite : le diable tout le temps… et partout (pas de déception sur le sujet) : chez les paumés de l’Amérique (alcooliques, forniqueurs, kidnappeurs, meurtriers …), les flics et les avocats (véreux), les pasteurs (obsédés de sexe), jusqu’au père de famille vétéran de la guerre et croyant fervent, pris de folie suite à la perte d’un être cher… Pas de répit pour la dépravation, pas de salut pour les méchants et pas de miracle pour les innocents. Dieu n’y peut rien (existe-t-il d’ailleurs ?) et la vie continue. C’est un roman dur, désespéré mais beau comme un diamant noir. La religion est omniprésente mais détruit les plus humbles et sert de prétexte aux plus fous. Les destins se croisent, une espèce de malédiction poursuit les personnages et tout cela sous une plume acérée et une construction implacable. Pas de jugement moral, pas de fin en soi… Un grand et terrible « tableau » de l’humanité (ou de l’inhumanité ?), comme si Goya avait peint le Radeau de La Méduse.
RETOUR A REDEMPTION : PATRICK GRAHAM
Photo Ronan Beauvois |
FAILLIR ETRE FLINGUE / CELINE MINARD
Photo Ronan Beauvois |
Le nouveau
western, c’est elle ! Car il ne
s’agit pas d’un quelconque énième roman sur le Far West. Il faut dire que
depuis Deadwood, les écrivains qui veulent s’atteler au genre ont intérêt à
frapper fort… Celine Minard, elle, ne frappe pas : elle caresse !
Comme un souffle qui vous emmène sur les traces des pionniers de cette fabuleuse
naissance de l’Ouest. Une sorte d’Odyssée, un roman de l’origine… Où on
comprend que pas de survie sans cheval, qu’un voleur peut être volé, que les
Blancs ont eux aussi des visions, qu’une paire de bottes peut provoquer un duel
et qu’un bon bain est plus prisé qu’une prostituée… Un monde rêvé, grandiose
et burlesque, où tout est encore possible et où
l’humanité prime sur la couleur de la peau. Un long roman sensuel où on
sent la
fumée des feux de bois, l’herbe des prairies, le calumet de la paix, la
laine
de mouton et le savon à barbe ! Céline ne nous épargne aucun cliché (les
charriots dans la plaine, les bagarres de saloon, les attaques des
indiens…) mais ses scènes sont d’anthologie. Du grand Œuvre pour un
grand Ouest.
LES CENT DERNIERS JOURS / PATRICK Mc GUINNESS
Photo Ronan Beauvois |
Attention : coup de cœur ! J'ai adoré ce livre. Tout
d'abord parce qu'il est ancré dans l'histoire … mais que cela reste un roman,
un vrai ! En effet, je n'aime pas ces romans historiques toujours un peu
ampoulés qui décrivent méticuleusement le quotidien d'une époque avec
foultitude de notes en bas de pages. Non, là, il s'agit vraiment de capter ce
qui s'est passé pendant les cent derniers jours du régime de Ceausescu. Ce qui
est intéressant, c'est qu'on découvre Bucarest à travers le regard d'un jeune
étudiant anglais qui lui-même a des comptes a régler avec son père décédé
(patriarcat / dictateur, père du peuple). On constate, avec horreur et
stupéfaction, les dehors et les dessous du régime communiste. Ou comment une
ville peut être massacrée, sans égard pour le passé... Et c'est d'ailleurs la
destruction d’une église qui mènera le régime à sa perte (religion / régime
totalitaire). Mais les pierres importent-elles plus que les personnes ?
Car la Roumanie est le parent pauvre de l'Europe.... Plus qu'un témoignage sur
l'époque, ce roman est superbement écrit, souvent caustique, toujours subtil.
On a l'impression d'en sortir moins bête et d'avoir partagé un peu de cet amour
pour Bucarest et pour ses habitants, parfois troubles, mais intensément humains.
Car, finalement, quand les biens matériels viennent à manquer, ne restent que
les hommes.
DOCTEUR
SLEEP / STEPHEN KING
Photo Ronan Beauvois |
Je ne suis
pas une fan inconditionnelle de Stephen King mais je regarde toujours avec
intérêt les adaptations ciné/télé de ses romans (pas toujours réussies
d’ailleurs)... Car Stephen King est, pour moi, un excellent conteur et il n'y
en a pas tant que ça aujourd’hui. Si vous lisez Docteur Sleep, ne vous
attendez pas à retrouver le « frisson Shining » car ce n'est
pas un roman terrifiant. Fantastique, oui mais cette histoire de vampires des
temps modernes ne m'a pas fait franchement frémir. Et même les évocations de
l'univers de Shining n'ont pas la force de l'original. Vous me direz,
alors : pourquoi le lire ? Eh bien pour la partie la plus quotidienne du
roman, pour la part sombre du personnage principal : son alcoolisme, son mal-être
et sa rédemption. Ces passages sont d'autant plus touchants que l'auteur lui-même
a sombré dans l'alcoolisme à un moment de sa vie. Donc, oui : lisez Docteur
Sleep pour son humanité et aussi pour la pertinence de sa réflexion sur le
monde d’aujourd’hui car finalement cette histoire de vampires n'est qu'une
allégorie de notre vie. Il ne faut pas oublier non plus que Stephen King est
américain et que donc son roman se termine bien : ouf !
PESTE ET CHOLERA / PATRICK DEVILLE
Photo Ronan Beauvois |
Tout
d’abord, ce titre m’a interpellée… deux fléaux, deux maladies qui ont fait des
ravages dans le monde et aussi une expression populaire : « choisir
entre la peste et le choléra »… Mais il n’y a pas lieu ici de prendre ce
titre au deuxième degré : il s’agit bien de la découverte du bacille de la
peste, « yersina pestis », et de son inventeur : Yersin, inconnu
du grand public, à l’inverse de Pasteur ou même de Koch. Il s’agit donc d’un
livre assez sérieux, très très bien écrit, une biographie qui nous présente un
personnage hors du commun : ultra doué, touche-à-tout, explorateur… La
comparaison avec Rimbaud court tout au long du roman et ce n’est pas anodin.
Yersin est un artiste à sa façon. Il ne fait aucune concesssion et trace sa
route (au sens propre comme au sens figuré). Le style du livre est vif, concis :
des phrases sans verbes (j’adore !), des raccourcis, des périphrases… sans
doute à l’image de la vie de Yersin qui sort des sentiers battus et s’aventure
dans les méandres du fleuve. Biologie, botanique, ethnologie, mécanique...
Yersin est un découvreur. Mais on ne saura rien de sa découverte de
l’amour : l’a-t-il seulement découvert ?
DANS LE SILENCE DU VENT / LOUISE ERDRICH
Louise Erdrich a des convictions et ça, ça me plaît ! Elle
défend une noble et belle cause : les Indiens d'Amérique. Pourtant son dernier
livre n'a pas du tout l'allure d'un réquisitoire. Car Louise Erdrich excelle
dans l'évocation du monde de l'enfance et de la communauté indienne
(sa solidarité, sa complexité, ses croyances). Un gamin de 13 ans cherche à
venger sa mère, victime d'un viol. Joe va effectivement mener son enquête à sa
façon avec conviction et maladresse... Et on se prend à sourire malgré la
gravité du sujet car c'est ça aussi l'enfance : des amours, des bêtises,
des rigolades. Les personnages qui gravitent autour de Joe ont aussi la saveur
d'un monde passé : les copains, la belle fille sexy sur laquelle on fantasme,
le grand-père rêveur halluciné que l'auteur décrit avec tendresse. On se plaît
à penser à l'avenir de ce gamin pétri d'une culture ancestrale (et finalement
toujours bien vivante) et porteur d'un secret de famille : il faut imaginer
Joe heureux…
PEREIRA PRETEND / ANTONIO TABUCCHI
Photo Didier Knoff |
« Pereira prétend » :
c’est le leitmotiv qui scande les phrases de ce court roman... On imagine qu’il
s’agit d’un rapport (de police ?), ce qui ne laisse présager rien de bon quant
au sort de notre héros. Ou plutôt anti-héros car Péreira n’a rien d’un beau
héros de roman classique : une petite vie très ordinaire, terne et
routinière mais qui va basculer petit à petit car Pereira va être confronté à
une situation extra-ordinaire : le salazisme. C’est à travers la lecture d’articles
rédigés par un jeune étudiant que Pereira va prendre conscience de ce qui
arrive à son pays. Il va prendre des risques, protéger ce jeune garçon et
finalement reprendre goût à la vie et à la lutte. C’est aussi par l’écrit qu’il
va, à son niveau (mais n’est-il pas après tout journaliste, même littéraire ?)
dénoncer la dictature. Espérons qu’en chacun de nous sommeille un Pereira…
UNE FAIBLESSE DE CARLOTTA
DELMONT / FANNY CHIARELLO
Un très joli livre, très bien écrit,
original de par sa forme puisqu'il est composé d'écrits divers et variés : articles de presse,
lettres, journal... et même pièce de théâtre ! On y découvre le destin d'une diva
à une époque où l'émancipation des femmes a encore du chemin à faire... Il est
d'ailleurs assez révélateur que nous découvrions d'abord Carlotta Delmont par tout ce
qui se dit sur elle : elle ne prendra vraiment la parole qu'à partir de la page 94 par la voie (voix ?) de son journal
intime. Carlotta vit ses rôles plus que les autres divas, aime
l'amour plus que les amours et rêve de vivre pour elle-même plus que pour les
autres (les personnages qu'elle incarne et le public). Une histoire encore très
actuelle car elle évoque le star système et la difficulté d'être un personnage
public, surtout quand on est une femme. La voix de Carlotta n'est pas toujours entendue... Étrange pour une diva.
LA BALLADE DE LILA K / BLANDINE
LE CALLET
La Ballade de Lila K. est d’abord un
roman d’anticipation dans lequel les caméras vous surveillent, votre vie
sexuelle est réglée comme du papier à musique, les naissances contrôlées, les
livres intouchables - au sens propre car générateurs d’allergies et donc
considérés comme dangereux – (évidemment tout cela est hautement symbolique !),
la fourrure des chats change de couleur avec le temps, Paris est une ville
fermée depuis les grandes émeutes (on n’en saura pas vraiment plus) et la
« Zone » est un noman’s land livré à la terreur (c’est ce qui se
dit)... Mais c’est surtout, selon moi, un beau roman d’apprentissage :
retrouver ses origines même si la vérité est douloureuse, se frotter au monde
même si on s'y égratigne, accepter la perte, faire des choix et donc des
erreurs. Le fait que le roman se passe en 2117 ne fait que donner
une touche « exotique » à ce roman finalement assez classique d’une
Cosette des temps ultra-modernes. Un conte initiatique avec des fées (bonnes et
mauvaises, des épreuves, et un happy end car on imagine que Lila ne va pas en
rester là et qu’elle aura sa place dans l’Histoire… c’est mon côté optimiste
qui parle). J’espère juste que Pacha et sa famille s’en sont sortis…
AU REVOIR LA-HAUT / PIERRE LEMAITRE
Photo Didier Knoff |
C’est, selon moi, un des meilleurs livres de 2013 ! Pierre
Lemaître avait jusqu’à présent écrit des romans noirs : Robe De Mariée
(étant, je pense, le plus connu, en tout cas celui qui a eu le plus grand
succès public…) et Cadres Noirs (deux livres que j’avais
particulièrement appréciés dans leur genre) et cela se sent ! Car Au
Revoir Là-Haut est mené de main de maître (sans jeu de mots !) et
tambour battant : rebondissement (mort, vraiment ?), suspense (dans
quel état allons-nous retrouver nos deux héros après la guerre ?) et
humour noir (la mort n’a qu’à bien se tenir…). Un style acéré, un bon
rythme : ce roman ne manque pas de panache et on sourit souvent, à défaut
de pleurer, des histoires, un peu rocambolesques, de nos deux rescapés de la
grande guerre. Une sorte de colère sourde se laisse entendre et on n’a aucun mal
à imaginer que la guerre de 14 a su profiter à certains (et moins à d’autres)
dans le commerce des morts car il s’agit bien de cela. Nos arrières
grands-pères auraient de quoi se retourner dans leurs tombes !… Il reste
que ce roman a des airs de « grand classique » avec des personnages
hauts en couleur, qu’on aime détester ou auxquels on s’attache passionnément…
un peu à la Balzac, mais sans les longueurs ! Il est vrai que beaucoup de
livres ont parlé de cette grande guerre et des fameuses gueules cassées mais, à
ma connaissance, jamais sur ce ton ni avec cette belle ironie qui rend ce livre
vraiment particulier et très attachant.
SUR MA PEAU / GILLIAN FLYNN
|
Photo Didier Knoff |
Le premier roman de Gillian Flynn… et pour un premier roman, elle tape fort ! Sombre, cru, sans concession : comme j’aime ! Car j’aime la noirceur : celle des romans de Robin Cook (J’étais Dora Suarez) ou de James Ellroy (Le Dalhia Noir) : comme ça, vous connaissez tout de suite mes goûts…Très douée pour camper ses personnages féminins, Gillian Flynn nous dresse ici le portrait d’une jeune journaliste qui a écrit son histoire sur sa peau (au sens littéral du terme) et qui retourne dans la ville de son enfance pour mener une enquête. Soyons clair : même si l’intrigue est plutôt bien ficelée, le livre vaut surtout pour la description d’une ville typique de l’Amérique profonde : ambiance délétère, violence ordinaire… mais aussi et surtout pour le portrait d’une jeunesse perdue car sacrifiée, cruelle car sans espoir. J’ai trouvé que Gillian Flynn, un peu comme Sofia Coppola avec Virgin Suicides dans un tout autre style, avait un regard très juste sur ces adolescentes bordeline qui fascinent et effrayent les adultes (je pense à la très belle scène finale entre les deux sœurs). Un roman très cinégénique… Sophia, tu ne t’essaierais pas au genre « polar » ???
SAUVER MOZART / RAPHAEL JERUSALMY |
Photo Didier Knoff |
C'est ce que j'appelle, dans mon jargon de "fan-de-lecture-et-ce-quel-que-soit-le-genre-de-littérature", une PEPITE ! Un texte court (149 pages en version poche) qui se lit d'une traite (je vous conseille d'ailleurs de vous bloquer quelques heures pour ne pas le lâcher) et dont on voudrait qu'il ne finisse jamais... même si au final, c'est de sa brièveté que naît aussi son brio. Car il s'agit bien pour moi d'un livre brillant ! Le journal d'Otto J. Steiner nous raconte sur une courte période (de juillet 1939 à août 1940) comment un homme rongé par la maladie, exclu du monde et qui n'aime pas grand-chose et plus grand monde, va décider de faire entendre la voix du peuple juif alors que les nazis ne cherchent qu'à le réduire au silence. Sans vouloir déflorer l'histoire, il y sera question de musique et d'une période sombre de l'histoire... Vous me direz (à raison) que le sujet a déjà été rebattu mais ce texte est vraiment original, touchant et plein d'ironie : on sourit souvent, malgré tout. C'est en soi une belle leçon de vie (de survie ?) et de courage. Le passage qui retrace l’attentat avorté contre Hitler et Mussolini est particulièrement réussi : vous ne boirez plus jamais votre café sans y penser…
IL FAUT BEAUCOUP AIMER LES HOMMES / MARIE DARRIEUSSECQ
Photo Didier Knoff |
Marie
Darrieussecq écrit très
bien ou, pour être encore plus précise : Marie Darrieussecq a une très belle écriture. J’ai
encore en mémoire son premier roman, Truismes, dont le titre à lui seul
m’avait littéralement (littérairement) subjuguée. Ici, il s’agit d’un homme et
d’une femme : une histoire d’amour… Classique ? Est-ce toujours la même
histoire quand la couleur de peau est différente, quand la femme est actrice et
l’homme metteur en scène et quand l’Afrique entre en jeu... On se doute qu’il
n’y aura pas d’amour heureux et que cette histoire court à sa perte dès les
premiers échanges. Problème de communication entre les amants, décalage des
sentiments et trahison finale (certes cinématographique... mais n’est-ce pas la
pire pour une actrice ?). Il ne faut pas s’attendre à une histoire
sensationnelle mais les réflexions sont justes, les phrases sont belles et les
passages sur l’Afrique sont, selon moi, très réussis : sans vernis ni
paillettes (un peu tout le contraire d’Hollywood). Une belle tragédie donc, aux
accents durassiens. Duras, forcément Duras.
Impatiente d'en savoir plus ! HAPPY B.DAY !
RépondreSupprimerBien résumé ! J'approuve.
RépondreSupprimerAprès avoir lu ce bouquin, je me suis demandée si je ne mettrais pas au thé !!!
Justement moi qui ne bois que tu thé et ne lis que des livres en anglais (désolée !) ... ;-) je peux le lire quand même ?
RépondreSupprimerOf course ! :-)
Supprimerhello!! quel talent!! j'achete!! SF
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