Bouquiner

POUR TROIS COURONNES / FRANÇOIS GARDE
Photo Ronan Beauvois
Ce livre parle d'un curieux métier que je ne connaissais pas : curateur aux documents privés. Cela déjà m'a laissé présager d'une bonne surprise... Lors d'une de ses missions, qui finalement consiste à fouiller dans les papiers des morts, Philippe Zafar découvre une lettre énigmatique qui semble évoquer un secret de famille troublant. Après réflexion et hésitation, le narrateur se décide à en parler à la personne qui lui a confié ce dossier et le voilà engagé pour mener l'enquête. Une enquête qui va l'emmener bien plus loin qu'il ne l'aurait pensé et voulu et qui va aussi le confronter à sa propre histoire personnelle… Ne vous attendez pas à un roman policier, même si on progresse pas à pas, au fil des rencontres et des questionnements, même s'il y a des rebondissements et des fausses pistes… Il s’agit plutôt d’une fine analyse sur les liens qui nous unissent à la famille et à notre passé. C'est un livre qui prend son temps et qui nous plonge dans une ville imaginaire, capitale d'une île tropicale : un voyage qui nous fait vivre aussi une partie de l'Histoire des colonies. Un bel exercice.
 






PURGATOIRE DES INNOCENTS / KARINE GIEBEL
Photo Ronan Beauvois


Ames sensibles, s’abstenir ! Je préfère vous prévenir... Car, même moi qui suis «rodée » aux romans noirs, sombres et violents, j’avoue que j’ai été bien secouée par celui-ci. Le retournement de situation est très bien vu et les scènes sont parfois limite insoutenables… On peut aussi voir ce livre comme un roman de Sade (ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’il soit cité dans le livre) ou un film de Haneke. Vous voyez un peu le style… C’est très réussi car sans concession, très bien maîtrisé et captivant (au sens fort du terme !). Car oui, on reste attachés aux personnages, on se débat avec eux, on hésite à juger l’un ou l’autre : qui est encore innocent ? Y a-t-il des crimes pires que d’autres ? D’où naît la violence ?… Très bien écrit, ce livre ne nous donne pas toutes les réponses mais un soupçon d’espoir.



LES APPARENCES / GILLIAN FLYNN
Photo Ronan Beauvois

Gillian Flynn signe ici la mort du couple. Rien de moins ! Car même s'il s'agit d'un thriller, elle s'amuse avant tout à décortiquer toutes les relations qui unissent deux personnes et tous les stades d'une liaison amoureuse. On ne cesse de prendre parti pour l'un ou pour l'autre, de mettre en doute la parole ou plutôt l'écrit de l'un et de l'autre. La confusion des sentiments. Un joli jeu de chat et de souris qui commence assez classiquement avec une disparition. On parle de folie mais au fond c'est de la vie qu'il s'agit. Gillian Flynn voit juste et net ! Pas de flou. L'amour est mort, vive l'amour... et la littérature ! L’adaptation ciné de David Fincher est très réussie : elle met vraiment en exergue le poids des médias dans ce type d’affaires, ce que l’on ressentait moins, je trouve, dans le livre. Le casting est aussi parfait.



LE CHUCHOTEUR / DONATO CARRISI
Photo Ronan Beauvois

Le Chuchoteur est un très bon polar. Sombre à souhait et très bien documenté, il ne vous lâche pas et vous ne le lâcherez pas non plus car il ne cesse de vous surprendre... C'est une somme de tous les ingrédients et de tous les archétypes qu’on peut trouver dans un polar digne de ce nom : tueur d'enfants, orphelinat sordide, prêtre perverti, mère castratrice, secret de famille inavouable, médium... On pourrait croire que toute cette accumulation puisse lasser mais finalement non, car même si le trait est fort, on se laisse séduire par le personnage principal. On peut aussi lire ce livre comme un hommage à tous les grands romans noirs qui ont aidé à faire reconnaître et apprécier le genre. A suivre, donc...



UNE VIE ENTRE DEUX OCEANS / M.L STEDMAN
Photo Ronan Beauvois


C’est un très beau livre, romanesque et romantique à souhait ! Je comprends son succès car j’ai moi-même été très touchée et très émue par cette belle histoire d’amour. L’amour d’une mère, certes mais aussi l’amour d’un homme pour sa femme. La description de ce monde loin de tout (hors du monde), solitaire et rude, m’a beaucoup plu : ce phare est presque un personnage à part entière. Ce monde entre deux océans est aussi très symbolique : le monde d’avant la guerre et celui d’après, le monde que les personnages se construisent et le monde qui les entoure... tout est symbolique, rien n’est anodin et surtout pas les choix qui sont faits. Car tout va partir d’un choix et tout se terminera par un choix. Le livre aurait pu aussi s’appeler « le choix d’Isabel ». Un livre beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît… A vos mouchoirs !


ESPRIT D’HIVER / LAURA KASISCHKE
Photo Ronan Beauvois


Laura Kasischke ne voit pas les mêmes choses que nous…  ou en tout cas, elle ne les voit pas de la même façon. Vous me direz, c’est normal, c’est une écrivaine : elle a sa propre vision du monde. Oui, mais Laura Kasischke s’attarde (et s’acharne) surtout sur les petites choses du quotidien. Les plus anodines deviennent tout-à-coup bizarres, l’environnement se détériore, la réalité se distord comme si le monde ne se voyait qu’à travers un miroir déformant. Tout ce qui devrait être rassurant devient étrange, tout ce qu’on croyait connaître devient fuyant. L’esprit de Noël (et sa magie !) en prend pour son grade, tout comme l’Amérique et la famille. Le conte se transforme en huis clos oppressant, jusqu’au dénouement final… surprenant et troublant.



EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE / EDOUARD LOUIS
Photo Ronan Beauvois


Ce livre coup de poing m'a plu et en même temps m'a dérangée. Il se lit très vite, un peu comme un shocker (ces polars choc qui se dévorent) et je pense qu'il a été conçu dans cette optique : foncer, secouer, choquer. Le trait est fort et dur car Edouard Louis règle ses comptes avec sa famille, son village natal et son milieu social. Peu importe que son histoire soit vraie (coup marketing ?) ou romancée... Ce qui compte, c'est le livre. Alors pourquoi ai-je été gênée ? Parce que les scènes sont violentes et crues ? Non, car c’est, selon moi, ce qui fait sa force. Parce qu’encore une fois le Nord est décrit comme un fief d’ouvriers alcoolo ? Non, on en a vu d’autres ! Ce qui m'a gênée, en fait, ce sont les derniers chapitres : c’est cette idée que l'homosexualité (ou même seulement la différence) soit rejetée par les plus pauvres et comprise (ou au moins admise) par les plus riches. Edouard Louis choisit son camp… je vous laisse deviner lequel.


LE DIABLE TOUT LE TEMPS / DONALD RAY POLLOCK
Photo Ronan Beauvois

Oui, le titre est très explicite : le diable tout le temps… et partout (pas de déception sur le sujet) : chez les paumés de l’Amérique (alcooliques, forniqueurs, kidnappeurs, meurtriers …), les flics et les avocats (véreux), les pasteurs (obsédés de sexe), jusqu’au père de famille vétéran de la guerre et croyant fervent, pris de folie suite à la perte d’un être cher… Pas de répit pour la dépravation, pas de salut pour les méchants et pas de miracle pour les innocents. Dieu n’y peut rien (existe-t-il d’ailleurs ?) et la vie continue. C’est un roman dur, désespéré mais beau comme un diamant noir. La religion est omniprésente mais détruit les plus humbles et sert de prétexte aux plus fous. Les destins se croisent, une espèce de malédiction poursuit les personnages et tout cela sous une plume acérée et une construction implacable. Pas de jugement moral, pas de fin en soi… Un grand et terrible « tableau » de l’humanité (ou de l’inhumanité ?), comme si Goya avait peint le Radeau de La Méduse.  
 
RETOUR A REDEMPTION : PATRICK GRAHAM
Photo Ronan Beauvois
Retour à Rédemption aurait pu s'appeler Le Pacte... car oui, il y est question d'un pacte passé entre des adolescents enfermés dans un centre de rééducation... Evidemment, il s'agit d'un roman noir et le centre n'a rien d'un camp de vacances... on pourrait facilement dire que c'est l'Enfer avec un grand E car il est tenu par un prêtre sadique et tout puissant. Vous imaginez le pire... et vous allez le lire car Patrick Graham ne renonce à aucun détail sordide. Et c’est ce qui fait la force de ce livre d'ailleurs, car le quotidien prend des airs de cauchemard éveillé (merci Mister King !) : il faut se méfier de tous. Le livre joue constamment sur les allers retours passé/présent car, c'est bien connu (et encore plus dans les romans noirs) : le passé finit toujours par vous rattraper. C'est un livre à la fois sombre et touchant car les personnages ont une vraie densité : même les plus cruels nous attendrissent... un beau tour de force.



FAILLIR ETRE FLINGUE / CELINE MINARD
Photo Ronan Beauvois


Le nouveau western, c’est elle ! Car il ne s’agit pas d’un quelconque énième roman sur le Far West. Il faut dire que depuis Deadwood, les écrivains qui veulent s’atteler au genre ont intérêt à frapper fort… Celine Minard, elle, ne frappe pas : elle caresse ! Comme un souffle qui vous emmène sur les traces des pionniers de cette fabuleuse naissance de l’Ouest. Une sorte d’Odyssée, un roman de l’origine… Où on comprend que pas de survie sans cheval, qu’un voleur peut être volé, que les Blancs ont eux aussi des visions, qu’une paire de bottes peut provoquer un duel et qu’un bon bain est plus prisé qu’une prostituée… Un monde rêvé, grandiose et burlesque, où tout est encore possible et où l’humanité prime sur la couleur de la peau. Un long roman sensuel où on sent la fumée des feux de bois, l’herbe des prairies, le calumet de la paix, la laine de mouton et le savon à barbe ! Céline ne nous épargne aucun cliché (les charriots dans la plaine, les bagarres de saloon, les attaques des indiens…) mais ses scènes sont d’anthologie. Du grand Œuvre pour un grand Ouest.


LES CENT DERNIERS JOURS / PATRICK Mc GUINNESS

Photo Ronan Beauvois


Attention : coup de cœur ! J'ai adoré ce livre. Tout d'abord parce qu'il est ancré dans l'histoire … mais que cela reste un roman, un vrai ! En effet, je n'aime pas ces romans historiques toujours un peu ampoulés qui décrivent méticuleusement le quotidien d'une époque avec foultitude de notes en bas de pages. Non, là, il s'agit vraiment de capter ce qui s'est passé pendant les cent derniers jours du régime de Ceausescu. Ce qui est intéressant, c'est qu'on découvre Bucarest à travers le regard d'un jeune étudiant anglais qui lui-même a des comptes a régler avec son père décédé (patriarcat / dictateur, père du peuple). On constate, avec horreur et stupéfaction, les dehors et les dessous du régime communiste. Ou comment une ville peut être massacrée, sans égard pour le passé... Et c'est d'ailleurs la destruction d’une église qui mènera le régime à sa perte (religion / régime totalitaire). Mais les pierres importent-elles plus que les personnes ? Car la Roumanie est le parent pauvre de l'Europe.... Plus qu'un témoignage sur l'époque, ce roman est superbement écrit, souvent caustique, toujours subtil. On a l'impression d'en sortir moins bête et d'avoir partagé un peu de cet amour pour Bucarest et pour ses habitants, parfois troubles, mais intensément humains. Car, finalement, quand les biens matériels viennent à manquer, ne restent que les hommes.



DOCTEUR SLEEP / STEPHEN KING
Photo Ronan Beauvois

Je ne suis pas une fan inconditionnelle de Stephen King mais je regarde toujours avec intérêt les adaptations ciné/télé de ses romans (pas toujours réussies d’ailleurs)... Car Stephen King est, pour moi, un excellent conteur et il n'y en a pas tant que ça aujourd’hui. Si vous lisez Docteur Sleep, ne vous attendez pas à retrouver le « frisson Shining » car ce n'est pas un roman terrifiant. Fantastique, oui mais cette histoire de vampires des temps modernes ne m'a pas fait franchement frémir. Et même les évocations de l'univers de Shining n'ont pas la force de l'original. Vous me direz, alors : pourquoi le lire ? Eh bien pour la partie la plus quotidienne du roman, pour la part sombre du personnage principal : son alcoolisme, son mal-être et sa rédemption. Ces passages sont d'autant plus touchants que l'auteur lui-même a sombré dans l'alcoolisme à un moment de sa vie. Donc, oui : lisez Docteur Sleep pour son humanité et aussi pour la pertinence de sa réflexion sur le monde d’aujourd’hui car finalement cette histoire de vampires n'est qu'une allégorie de notre vie. Il ne faut pas oublier non plus que Stephen King est américain et que donc son roman se termine bien : ouf !




PESTE ET CHOLERA / PATRICK DEVILLE

Photo Ronan Beauvois


Tout d’abord, ce titre m’a interpellée… deux fléaux, deux maladies qui ont fait des ravages dans le monde et aussi une expression populaire : « choisir entre la peste et le choléra »… Mais il n’y a pas lieu ici de prendre ce titre au deuxième degré : il s’agit bien de la découverte du bacille de la peste, « yersina pestis », et de son inventeur : Yersin, inconnu du grand public, à l’inverse de Pasteur ou même de Koch. Il s’agit donc d’un livre assez sérieux, très très bien écrit, une biographie qui nous présente un personnage hors du commun : ultra doué, touche-à-tout, explorateur… La comparaison avec Rimbaud court tout au long du roman et ce n’est pas anodin. Yersin est un artiste à sa façon. Il ne fait aucune concesssion et trace sa route (au sens propre comme au sens figuré). Le style du livre est vif, concis : des phrases sans verbes (j’adore !), des raccourcis, des périphrases… sans doute à l’image de la vie de Yersin qui sort des sentiers battus et s’aventure dans les méandres du fleuve. Biologie, botanique, ethnologie, mécanique... Yersin est un découvreur. Mais on ne saura rien de sa découverte de l’amour : l’a-t-il seulement découvert ?




DANS LE SILENCE DU VENT / LOUISE ERDRICH
Photo Didier Knoff

Louise Erdrich a des convictions et ça, ça me plaît ! Elle défend une noble et belle cause : les Indiens d'Amérique. Pourtant son dernier livre n'a pas du tout l'allure d'un réquisitoire. Car Louise Erdrich excelle dans l'évocation du monde de l'enfance et de la communauté indienne (sa solidarité, sa complexité, ses croyances). Un gamin de 13 ans cherche à venger sa mère, victime d'un viol. Joe va effectivement mener son enquête à sa façon avec conviction et maladresse... Et on se prend à sourire malgré la gravité du sujet car c'est ça aussi l'enfance : des amours, des bêtises, des rigolades. Les personnages qui gravitent autour de Joe ont aussi la saveur d'un monde passé : les copains, la belle fille sexy sur laquelle on fantasme, le grand-père rêveur halluciné que l'auteur décrit avec tendresse. On se plaît à penser à l'avenir de ce gamin pétri d'une culture ancestrale (et finalement toujours bien vivante) et porteur d'un secret de famille : il faut imaginer Joe heureux…





PEREIRA PRETEND / ANTONIO TABUCCHI
Photo Didier Knoff


« Pereira prétend » : c’est le leitmotiv qui scande les phrases de ce court roman... On imagine qu’il s’agit d’un rapport (de police ?), ce qui ne laisse présager rien de bon quant au sort de notre héros. Ou plutôt anti-héros car Péreira n’a rien d’un beau héros de roman classique : une petite vie très ordinaire, terne et routinière mais qui va basculer petit à petit car Pereira va être confronté à une situation extra-ordinaire : le salazisme. C’est à travers la lecture d’articles rédigés par un jeune étudiant que Pereira va prendre conscience de ce qui arrive à son pays. Il va prendre des risques, protéger ce jeune garçon et finalement reprendre goût à la vie et à la lutte. C’est aussi par l’écrit qu’il va, à son niveau (mais n’est-il pas après tout journaliste, même littéraire ?) dénoncer la dictature. Espérons qu’en chacun de nous sommeille un Pereira…





UNE FAIBLESSE DE CARLOTTA DELMONT / FANNY CHIARELLO 
Photo Didier Knoff

Un très joli livre, très bien écrit, original de par sa forme puisqu'il est composé d'écrits divers et variés : articles de presse, lettres, journal... et même pièce de théâtre ! On y découvre le destin d'une diva à une époque où l'émancipation des femmes a encore du chemin à faire... Il est d'ailleurs assez révélateur que nous découvrions d'abord Carlotta Delmont par tout ce qui se dit sur elle : elle ne prendra vraiment la parole qu'à partir de la page 94 par la voie (voix ?) de son journal intime. Carlotta vit ses rôles plus que les autres divas, aime l'amour plus que les amours et rêve de vivre pour elle-même plus que pour les autres (les personnages qu'elle incarne et le public). Une histoire encore très actuelle car elle évoque le star système et la difficulté d'être un personnage public, surtout quand on est une femme. La voix de Carlotta n'est pas toujours entendue... Étrange pour une diva.



LA BALLADE DE LILA K  / BLANDINE LE CALLET
Photo Didier Knoff
La Ballade de Lila K. est d’abord un roman d’anticipation dans lequel les caméras vous surveillent, votre vie sexuelle est réglée comme du papier à musique, les naissances contrôlées, les livres intouchables - au sens propre car générateurs d’allergies et donc considérés comme dangereux – (évidemment tout cela est hautement symbolique !), la fourrure des chats change de couleur avec le temps, Paris est une ville fermée depuis les grandes émeutes (on n’en saura pas vraiment plus) et la « Zone » est un noman’s land livré à la terreur (c’est ce qui se dit)... Mais c’est surtout, selon moi, un beau roman d’apprentissage : retrouver ses origines même si la vérité est douloureuse, se frotter au monde même si on s'y égratigne, accepter la perte, faire des choix et donc des erreurs. Le fait que le roman se passe en 2117 ne fait que donner une touche « exotique » à ce roman finalement assez classique d’une Cosette des temps ultra-modernes. Un conte initiatique avec des fées (bonnes et mauvaises, des épreuves, et un happy end car on imagine que Lila ne va pas en rester là et qu’elle aura sa place dans l’Histoire… c’est mon côté optimiste qui parle). J’espère juste que Pacha et sa famille s’en sont sortis…  



AU REVOIR LA-HAUT / PIERRE LEMAITRE
Photo Didier Knoff

C’est, selon moi, un des meilleurs livres de 2013 ! Pierre Lemaître avait jusqu’à présent écrit des romans noirs : Robe De Mariée (étant, je pense, le plus connu, en tout cas celui qui a eu le plus grand succès public…) et Cadres Noirs (deux livres que j’avais particulièrement appréciés dans leur genre) et cela se sent ! Car Au Revoir Là-Haut est mené de main de maître (sans jeu de mots !) et tambour battant : rebondissement (mort, vraiment ?), suspense (dans quel état allons-nous retrouver nos deux héros après la guerre ?) et humour noir (la mort n’a qu’à bien se tenir…). Un style acéré, un bon rythme : ce roman ne manque pas de panache et on sourit souvent, à défaut de pleurer, des histoires, un peu rocambolesques, de nos deux rescapés de la grande guerre. Une sorte de colère sourde se laisse entendre et on n’a aucun mal à imaginer que la guerre de 14 a su profiter à certains (et moins à d’autres) dans le commerce des morts car il s’agit bien de cela. Nos arrières grands-pères auraient de quoi se retourner dans leurs tombes !… Il reste que ce roman a des airs de « grand classique » avec des personnages hauts en couleur, qu’on aime détester ou auxquels on s’attache passionnément… un peu à la Balzac, mais sans les longueurs ! Il est vrai que beaucoup de livres ont parlé de cette grande guerre et des fameuses gueules cassées mais, à ma connaissance, jamais sur ce ton ni avec cette belle ironie qui rend ce livre vraiment particulier et très attachant.   





SUR MA PEAU / GILLIAN FLYNN

Photo Didier Knoff

Le premier roman de Gillian Flynn… et pour un premier roman, elle tape fort ! Sombre, cru, sans concession : comme j’aime ! Car j’aime la noirceur : celle des romans de Robin Cook (J’étais Dora Suarez) ou de James Ellroy (Le Dalhia Noir) : comme ça, vous connaissez tout de suite mes goûts…Très douée pour camper ses personnages féminins, Gillian Flynn nous dresse ici le portrait d’une jeune journaliste qui a écrit son histoire sur sa peau (au sens littéral du terme) et qui retourne dans la ville de son enfance pour mener une enquête. Soyons clair : même si l’intrigue est plutôt bien ficelée, le livre vaut surtout pour la description d’une ville typique de l’Amérique profonde : ambiance délétère, violence ordinaire… mais aussi et surtout pour le portrait d’une jeunesse perdue car sacrifiée, cruelle car sans espoir. J’ai trouvé que Gillian Flynn, un peu comme Sofia Coppola avec Virgin Suicides dans un tout autre style, avait un regard très juste sur ces adolescentes bordeline qui  fascinent et effrayent les adultes (je pense à la très belle scène finale entre les deux sœurs). Un roman très cinégénique… Sophia, tu ne t’essaierais pas au genre « polar » ??? 




SAUVER MOZART / RAPHAEL JERUSALMY

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C'est ce que j'appelle, dans mon jargon de "fan-de-lecture-et-ce-quel-que-soit-le-genre-de-littérature", une PEPITE ! Un texte court (149 pages en version poche) qui se lit d'une traite (je vous conseille d'ailleurs de vous bloquer quelques heures pour ne pas le lâcher) et dont on voudrait qu'il ne finisse jamais... même si au final, c'est de sa brièveté que naît aussi son brio. Car il s'agit bien pour moi d'un livre brillant ! Le journal d'Otto J. Steiner nous raconte sur une courte période (de juillet 1939 à août 1940) comment un homme rongé par la maladie, exclu du monde et qui n'aime pas grand-chose et plus grand monde, va décider de faire entendre la voix du peuple juif alors que les nazis ne cherchent qu'à le réduire au silence. Sans vouloir déflorer l'histoire, il y sera question de musique et d'une période sombre de l'histoire... Vous me direz (à raison) que le sujet a déjà été rebattu mais ce texte est vraiment original, touchant et plein d'ironie : on sourit souvent, malgré tout. C'est en soi une belle leçon de vie (de survie ?) et de courage. Le passage qui retrace l’attentat avorté contre Hitler et Mussolini est particulièrement réussi : vous ne boirez plus jamais votre café sans y penser…  


IL FAUT BEAUCOUP AIMER LES HOMMES / MARIE DARRIEUSSECQ


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Marie Darrieussecq écrit très bien ou, pour être encore plus précise : Marie Darrieussecq a une très belle écriture. J’ai encore en mémoire son premier roman, Truismes, dont le titre à lui seul m’avait littéralement (littérairement) subjuguée. Ici, il s’agit d’un homme et d’une femme : une histoire d’amour… Classique ? Est-ce toujours la même histoire quand la couleur de peau est différente, quand la femme est actrice et l’homme metteur en scène et quand l’Afrique entre en jeu... On se doute qu’il n’y aura pas d’amour heureux et que cette histoire court à sa perte dès les premiers échanges. Problème de communication entre les amants, décalage des sentiments et trahison finale (certes cinématographique... mais n’est-ce pas la pire pour une actrice ?). Il ne faut pas s’attendre à une histoire sensationnelle mais les réflexions sont justes, les phrases sont belles et les passages sur l’Afrique sont, selon moi, très réussis : sans vernis ni paillettes (un peu tout le contraire d’Hollywood). Une belle tragédie donc, aux accents durassiens. Duras, forcément Duras. 

5 commentaires :

  1. Impatiente d'en savoir plus ! HAPPY B.DAY !

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  2. Bien résumé ! J'approuve.
    Après avoir lu ce bouquin, je me suis demandée si je ne mettrais pas au thé !!!

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  3. Justement moi qui ne bois que tu thé et ne lis que des livres en anglais (désolée !) ... ;-) je peux le lire quand même ?

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  4. hello!! quel talent!! j'achete!! SF

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